Pas moi…
Dispendieux j’ai pensé. Et puis j’ai craché ce truc dégueulasse sur le pavé du sidewalk, j’allais même pas au travail. Va savoir c’que j’foutais là. J’rentrais même pas chez moi, comme si j’étais juste là pour cracher ce vieux truc qui m’faisait chier dans le ventre. Ils sont tous venus voir le truc dégueulasse et ils s’agglutinent. ils ont l’air encore plus cons que c’que j’ai dégueulé là. On dirait que j’ai envoyé des invitations, bande de rien, mine de rien. J’allais même pas au travail, j’allais foutre nulle part. Je sais même pas quand j’ai envoyé ces invitations de merde. Fallait juste que je crache ce truc à la con qui puait dégueulasse dans mon foie. R’garde les ces faisandeurs, ces chiens d’usine, ces laveurs affamés de sidewalk. J’ai même pas eu le temps d’faire connaissance avec la tumeur qu’ils l’ont déjà bouffée ces connards. Ça mastique comme si ça bouffait du caviar. Ils se chient dessus tellement ils aiment le truc dégueulasse. Ils se l’échangent. Ils l’étirent comme un nerf, ça s’enroule comme les vers et ça pisse tellement le pus que j’les vois même plus ces connards dans ce bordel emmêlé de hyènes trempées. J’sais même pas c’que j’fous encore là. J’leur ai juste craché une affaire de rien sur le sidewalk à ces abrutis. J’allais même pas bosser, j’allais même pas chez moi, j’allais foutre nulle part et j’me retrouve comme une conne dans leur orgie de sidewalk de débiles. Ça m’intéresse pas tant leurs conneries qu’y en a un qui m’a bouffé le pied pendant que j’cogite des méchancetés dans c’te frénésie d’arriérés. Il en a plein les dents qu’il me sourit comme si j’avais besoin d’savoir qu’il aimait ça bouffer mon pied. Pas tant que ça m’intéresse de bloquer mon quart d’heure sur sa diète envahissante mais les autres dégénérés ont commencé à m’bouffer les jambes, les salopes. Vu qu’j’allais nulle part pis j’allais même pas chez moi, chu rester pour essayer de départager c’qui était à moi pis c’qui était à ces salopes de charognards. Semblait bien que pas mal d’affaires qui étaient à moi étaient tartinées pas mal partout dans leur gueule de tarés. Pis comme j’ai bien vu que j’pourrais rien récupérer. Fais chier. J’allais même pas travailler putain. J’allais foutre nulle part. 
Bande de connards. 
PROL…étaire
Je m’appelle Mireille. Mireille Robinel, pas peu fière, pas peu aveuglément orgueilleuse de porter le nom d’un gars hors du commun de c’que les
autres m’en ont dit. Je m’appelle Mireille et ma vie commence et recommence juste pour le temps d’un souffle dans les grosses pattes du pouvoir, puis commence et recommence, juste le temps d’une fissure, sous le poids du pouvoir, fin, puis commence - recommence, fin, commence.   
Je m’appelle Mireille et j’existe en tout. Je suis avec vous, un temps sur quatre, sans être tout à fait honnête, honnête sans être agréable, agréable sans être avec vous. Je vous ai perdu avant ça, je vous ai tout à fait perdu pendant, tout à fait après, sur le temps d’une croche, le temps qu’il faut pour écrire une histoire, le temps d’une vie. Fin. 
ÉPIL…ation
Je m’appelle Mireille. Mireille Robinel, pas peu fière, hors du commun, même si j’en sais foutre rien, même si j’en ai rien à foutre. Je m’appelle Mireille et ma vie commence ici, sur ce sidewalk.
J’allais travailler.
Tassez-vous,
Bande de connards. 
1.    7ème merveille, 14ème Dieu, rayon bobines à gauche après les soupes
Aujourd’hui, c’est un go, on se lâche, on achète. Budget, trente dollars. La production veut faire attention à la dépense et ma déco aime faire plaisir à la production. Ni une ni deux, je n’écoute plus que mon instinct ; je suis déjà dans ma voiture. Moleskine en poche, ceinture à la taille, j’allume les gaz. Mon GPS est aux anges: direction Dollarama, on a une salle de déchets nucléaire à monter et trente dollars dans les caisses ! 
Ma déco, elle a pas inventé la poudre. Remercions la providence: il n’est pas sûr qu’elle en ait été consciente et à peu près certain qu’elle nous aurait tous fait sauter. Scolaire, pincée et vainement en quête d’autorité, il paraît qu’elle est gentille. Quel étonnement de ne pas avoir vu danser dans notre ciel Montréalais quelques dirigeables nous signifiant combien elle est gentille ma déco ; alors moi voyez-vous, je trouve ça louche quand même les mouches et les souris s’accordent avec nous pour trouver qu’elle est gentille ma déco et, bien que j’ai pu manquer me convaincre que ce puisse être vrai, je n’ai jamais pu me débarrasser de l’image de nos corps pulvérisés, comme des cons, sourires béas pour la sainte gentillesse, figés dans l’éternité par le souffle poudreux de sa connerie. Bref, mon radar à subterfuge du médiocre hurle au crime à longueur de journée, mais je ne peux en parler à personne, même pas aux mouches ni aux souris. 
Demain, c’est notre premier décor. On n’a rien, mais avec nos trente dollars de budget, on est comme des crétins pleins d’espoir. J’ai fait quelques graphismes, parce que j’aime bien travailler sans être payée, une vraie connasse. Il faut simplement attendre que ma déco décide si nous collons le sigle à deux pouces huit-seizième ou deux pouces et demi ; elle hésite…la poudre, voyez, le souffle, les dirigeables et les souris qui pilotent ! 
Pour assurer cette fatidique journée qui scellerai à jamais nos réputations dans le vaste, faste et glorieux monde du cinéma, du moins le croyait ma déco, le divin avait mis sur notre route deux techniciens, Patrice et Patrick:  un clin d’oeil, comme une boutade de Judas pour nous signifier que n’est la présence du divin sans son emblématique antagoniste Maître des ténèbres, son « vilain », le diable lui même. 
J’avais moi-même proposé le nom de Patrice en insistant toutefois très clairement sur son grade dans la liste, en martelant l’importance de l’énergie à fournir pour convaincre ceux qui se trouvaient au-dessus dudit Patrice, c’est-à-dire : tout le monde. 
Ayant déjà travaillé avec lui et en toute connaissance de cause, je savais que le début de ses journées était consacré au café, la deuxième partie de son shift, un équivalent de 5 h : à jeter son gobelet et revenir au camion. Irrémédiablement, sa feuille de route tombait toujours en temps supplémentaire auquel Patrice ne manquait pas d’ajouter le lent trajet pour se rendre aux bureaux et rouspeter sur les harassantes heures de travail dont on l’affublait. 
Naïve, entêtée dans la crétinerie, j’étais persuadée que Patrice, comme tout le monde, était perfectible.
Nous avions quand même Patrick, avez-vous pensé, naïfs et entêtés que vous êtes: un prisonnier de la même indécision que ma décoratrice et ne sachant décider qui de huit-seizième ou un demi, Patrick, bien qu’étant au moins vivant, en opposition à son binôme, allait s’avérer le plus handicapant des deux puisque, bien souvent, trop dangereusement inefficace. 
À suivre...

You may also like

Back to Top