Part 1.
Fichtre, il faut s’y mettre ; il y a des choses à faire. Tu n’es pas mauvaise en photographie ; tu te débrouilles à l’écrit ; il te manque juste une impulsion. Ça tombe plutôt bien. Le capitaine sera ton boss. Ce que je décide sera mon imaginaire et mon pouvoir.
Ni une ni deux, je rentre en trombe dans la pièce jaunie par le manque de soleil. C’est un petit cabinet froid et hostile où seuls contiennent un bureau de bois franc sur lequel meurt une lampe trop courte, une dizaine de calepins écornés et un stylo sans bouchon, une couchette et quelques vieilles étagères supportant depuis trop longtemps quelques livres en lutte permanente avec une féroce humidité qui occupe la majeure partie de l’espace sans aucune gène.
"Boss, il me faut un sujet ; je suis sur la paille.”
Le silence qui engloutit cette supplication misérable me ramène subitement à la réalité : nous sommes tous sur la paille, surtout mon boss. Un profond grognement et quelques râles extraordinaires extirpent l’homme de sa léthargie sans malgré tout lui laisser entendre la raison de ma présence dans son espace sacré, distillerie privée, subjective pharmacie des douleurs, incongrue refuge des tristesses.
“Boss, il me faut un sujet ; mon cerveau a besoin de fonctionner ; insufflez-lui de la vie !”
On ne peut plus enthousiaste, je flanque toute ma motivation d’un sourire grandiose qui agace visiblement mon boss trop bourru et pâteux ; cette histoire de paille n’est point gaieté et les sujets passionnants, nullement repos.
”Les conifères… écris-moi donc un papier sur les conifères… mmmm”
”Boss, je suis sérieuse, j’ai besoin de m’occuper et je n’aime pas les conifères.”
"L’hiver montréalais, voilà, t’as qu’as…rhhh.”. Il me balaie de la main, puis replonge dans un coma où je n’existe pas.
Qu’il en soit ainsi ; fièrement insensible aux subtiles malveillances de mon supérieur — si les conifères ont raflé la médaille d’argent, c’est pour l’unique et simple raison que l’hiver trônait déjà sur l’Or — je jubile.
Puis-je détester l’hiver et ses négatives autant que la Normandie ? J’avais mon sujet et j’allais en faire la première du prochain numéro.
À suivre...
